Un oiseau aux ailes brisées [pv Eya]

Chess était sortie du pensionnat pour la première fois depuis très longtemps, lui semblait-il.
Il fallait dire qu'elle détestait sortir de là-bas.
Chaque fois qu'elle en franchissait la porte, qu'elle traversait le miroir, elle sentait ses jambes devenir lourdes, jusqu'à ce qu'elle ne les sente plus, puis venait sa cécité du côté droit, et ensuite, ce fauteuil roulant, ce fauteuil qu'elle trainait comme une carcasse dont elle ne pouvait se défaire, ce fauteuil qu'elle avait fini par détester. Non, au fond, ce qu'elle détestait, c'était ce maudit incendie qui lui avait volé sa soeur, son oeil et ses jambes.

Maintenant habituée à se balader en fauteuil roulant, elle s'était également habituée aux regards qui la suivaient à son passage. De la peur, du dégoût, de la pitié, de la compassion... Tous ces regards chargés de ces sentiments qui lui donnaient envie de vomir, qui lui pesaient sur la nuque comme une charge trop lourde. Parfois, elle avait envie de leur hurler d'aller voir ailleurs si elle y était.

La jeune fille fit rouler son fauteuil à travers les rues, sans but particulier, cherchant juste à échapper aux regards qui la poursuivaient. Son fauteuil buta contre une pierre qu'elle n'avait pas vue, et elle fut projetée face contre terre, incapable de se relever.
Des ricanements s'élevèrent autour d'elle.
"Alors l'handicapée, tu fais moins ta maligne maintenant!"

S'il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'est qu'on la traite d'handicapée. Mais que pouvait-elle faire, pauvre oiseau aux ailes brisées, incapable de voler? Elle vit les ombres des moqueurs, et sentit un pied s'écraser sur son dos.
"Ben alors, tu bouges plus?!"

La méchanceté... C'était un des principaux moteurs de ces gens-là. Tout en eux ne vivait que pour faire du mal aux autres. Ils en tiraient un certain plaisir et surtout beaucoup d'amusement. Elle, sans ses griffes et l'électricité que lui accordaient la protection du pensionnat, elle ne pouvait rien faire. Elle était pareil à un oiseau à qui on aurait brisé les ailes.

Lorsqu'ils commençèrent à la rouer de coups, Chess ne put que se protéger le visage de ses bras, sachant pertinemment que personne ne viendrait à son secours.

Eya secoua la tête, désarçonnée par le soleil brulant digne de la mi-juillet qui venait de l'aveugler et de brûler sa peau -décidément bien peu habituée au soleil. Elle détestait le soleil, astre de feu. Tout ce qui touchait, de près ou de loin au feu la dégoutait et l'effrayait.
De toute façon, elle sortait si peu du pensionnat.
Elle se mit à avancer, sans but précis, perdue dans ses pensées. Que ne donnerais-elle pas pour pouvoir rejoindre sa soeur, où qu'elle soit. Son estomac se noua. Et si les médecins ne lui avaient pas mentis? Et si Chesselya était morte? Et si...NON!
Elle se prit la tête entre les mains, faisant fi de la douleur qui lui paralysait le bras gauche, tenant de ne pas pleurer. Elle avait élevé Chesselya comme une mère. Si elle était morte, elle le saurait. Forte de ses conclusions, elle continua son vagabondage.

"Alors l'handicapée, tu fais moins ta maligne maintenant!"

Eya se retourna lentement vers une des rues, d'ou était venu le quolibet. Une jeune fille aux cheveux de platine était tombée de son fauteuil roulant. Ca avait attiré les charognards. Eya détestait ces gens qui profitaient des faiblesses des autres pour les enfonçer encore plus. Et, plus que tout, elle détestait la lacheté des passants, qui faisaient semblant de ne rien voir et continuaient leur petit bonhomme de chemin. Cette fois-ci, elle ne ferais pas partie des autruches: elle s'avança. Accéléra quand les charognards commençérent à rouer de coups leur pauvre victimes.
Elle ne réfléchit pas d'aventage: son poing gauche fusa, emboutissant le nez d'un des tortionnaires qui chuta lourdement sur le sol. Il y eut un silence puis:

-Ecoutez-moi bien, bande de têtes de lard: ne retouchez pas à un seul de ses cheveux, sinon...
-Sinon quoi, gamine?, demanda l'un des types avant d'éclater d'une rire gras.

Un grand sourire sadique fendit le visage d'Eya.

-Sinon, je t'explose ta grande gueule, résidu de bidet, et celle de tous tes petits copains s'il le faut. Capisce?, demanda-elle en mettant la main sur la garde de son bâton, qu'elle avait surnommé Mujun Gôho.

Après, c'était sois l'instint de conservation, sois l'instinct du roquet qui agirais. A eux de voir. Et tant pis pour eux s'ils insistaient...

-Ecoutez-moi bien, bande de têtes de lard: ne retouchez pas à un seul de ses cheveux, sinon...

C'était une fille qui venait de parler, indéniablement. Mais comme elle était maintenue la tête contre le sol, ce qui n'était pas une position des plus agréables, Chess ne la voyait pas. D'autres continuaient à lui assener des coups, et elle entendit à peine la menace de la fille.

-Sinon, je t'explose ta grande gueule, résidu de bidet, et celle de tous tes petits copains s'il le faut. Capisce?

Elle en avait, du courage. S'opposer à des types pareils. Quoique, c'était peut-être une adulte? Nan, sa voix était tout de même plus fluette que celle d'une femme adulte. L'un de ses tortionnaires lui arracha un de ses rubans qui maintenait ses cheveux, un des rubans qu'elle avait retrouvé miraculeusement préservés de l'incendie, un des rubans qui avaient appartenus à sa soeur, et son sang se figea.
-Rends-moi ça.
"Sinon quoi, l'handicapée?"
-Rends-moi ça! Immédiatement!!
"Et si je refuse?"

Elle serra des poings, parvint à se redresser, les yeux pleins de haine, et hurla, furieuse:
-Alors j'arracherai ta sale face de porc!!! Tu brûleras comme a brûlé celle à qui appartenait ce ruban!!

La jeune fille sortit de sa botte un couteau dont elle se servait dans les situations extrèmes. Elle pointa la lame vers le garçon, lame aiguisée comme un rasoir, pleine de fureur et de dégoût.
"Hé, des blagues, j'parie qu'tu sais même pas t'en servir de ce truc!"
-Je sais parfaitement m'en servir! Rends-moi ça ou je te coupe les tendons d'achille! Si je fais ça, tu deviendras comme moi!! Rends-le moi!

Il lâcha le ruban de peur, et elle aperçut les autres qui reculaient face à la fille, qui avait sorti un sabre en bois, enfin, elle croyait que c'était ça. Pas facile de voir avec un oeil en moins.
Finalement, ils battirent en retraite. Chess rangea l'arme, ramassa son ruban et le renoua dans ses cheveux. C'était le seul lien qu'il lui restait avec sa défunte soeur. Elle ne supportait pas qu'on y touche.
Elle se traîna vers son fauteuil, mais ne réussit pas à y grimper, ses jambes pesaient plus lourd que du plomb, elle n'arrivait pas à se soulever. Les larmes montèrent à son oeil unique. Elle était vraiment une incapable.

Les types avençérent, l'obligeant à sortir Mujun Gôho:
-Je vois...tant pis pour vous, fit Eya en ponctuant sa remarque d'un superbe coup de taille et d'un sourire sadique quand son bâton claqua contre un corps, brisant une ou deux côtes.
Du coin de l'oeil, elle vit que la jeune fille avait des ennuis. Et elle qui ne pouvait pas intervenir. Si seulement elle n'avait pas besoin de maintenir les autres zébres à distance...

-Rends-moi ça.
"Sinon quoi, l'handicapée?"
Elle vit que l'autre cinglé avait arraché ses rubans à la jeune fille. Mais fiche lui la paix, gros naze!
-Rends-moi ça! Immédiatement!!
"Et si je refuse?"
-Alors j'arracherai ta sale face de porc!!! Tu brûleras comme a brûlé celle à qui appartenait ce ruban!!

La jeune fille sortit alors de sa botte un couteau de bonne taille. Un grand coup de bâton suffit à maintenir les autres charognards à distance.

-Sssh, pas bouger, siffla Eya en faisant jouer son arme.

"Hé, des blagues, j'parie qu'tu sais même pas t'en servir de ce truc!"
Faux. Pour avoir travaillé quelques temps dans une armurerie, Eya savait parfaitement reconnaitre ceux qui savaient se servir d'un couteau de ceux qui jouaient les kéké avec. Et la jeune fille, avec sa prise assurée et son regard déterminé, faisait partie de la première catégorie.
-Je sais parfaitement m'en servir! Rends-moi ça ou je te coupe les tendons d'achille! Si je fais ça, tu deviendras comme moi!! Rends-le moi!
L'autre zébre sembla peser le pour et le contre. Histoire d'accélérer un peu la réflexion, Eya frappa de nouveau un des enquiquineurs qui s'était approché de trop près.

-Pas bouger, j'ai dit!

Finalement, ils finirent par fuir comme des lapins. Eya ricana, rangea Mujun Gôho dans son dos et se tourna vers la fille, qui avait visiblement tenté de remonter sur son fauteuil. Elle s'agenouilla prés d'elle.

-Ca va? Pas trop de mal? Je suis désolée de ne pas être intervenue plus tôt.

Elle se pencha et vit que la fille pleurait.

-Hé, non, pleure pas, c'est pas grave. Enfin...si mais...enfin...désolée, soupira-elle avec un petit sourire navré.

-Hé, non, pleure pas, c'est pas grave. Enfin...si mais...enfin...désolée

Chess grinça des dents et serra des poings:
-Tss... Je me dégoûte!

Elle baissa sa botte gauche, laissant voir les immondes cicatrices de brûlures qu'elle avait subies. Deux d'entre elles saignaient. Un des abrutis de tout à l'heure avait dû shooter dedans. Elle n'avait pas senti la douleur, mais maintenant, ça la lançait, par vagues successives. Elle sortit un mouchoir en tissu, le déchira pour en faire une bande et enserra la blessure. Ca ferait l'affaire.
Elle remonta sa botte et essuya rageusement les larmes qui coulaient de son oeil gauche.
-Dire que... je m'étais promis... de ne plus flancher.

La jeune fille leva les yeux vers le ciel bleu azur, où brillait le soleil. Sa pauvre soeur devait pleurer de dépit en la voyant depuis le ciel. Elle était si pitoyable... Nul doute qu'elle devait décevoir Eyanati.
Elle tenta une nouvelle fois de se redresser pour remonter sur son fauteuil roulant, mais échoua. Tel un oiseau sans ailes, elle appuya ses paumes contre le sol, dégoûtée d'elle-même.

Lorsqu'elle regarda enfin sa "sauveuse", elle crut qu'elle avait des hallucinations. Elle se frotta l'oeil, estomaquée. Elle avait devant elle la réplique exacte de sa grande soeur, avec quelques années de plus. Un instant, elle pensa que sa soeur avait survécu, et son visage s'illumina:
-Mais tu... tu es... Grande soe...

Puis, elle se flanqua une gifle mentale. N'importe quoi! Qu'est-ce qu'elle avait aujourd'hui?! La voilà qui se mettait à s'imaginer des choses! Son visage reprit son expression morose. C'était impossible. Sa soeur était morte dans l'incendie. Il fallait qu'elle arrête de se faire des illusions.
Elle secoua la tête:
-S'cuse, j'ai des visions.

Eya jeta un coup d'oeil aux blessures de la jeune fille et manqua de hurler de rage en voyant qu'elle saignait. "Attendez un peu mes gaillard, je vais bientôt vous faire passer l'envie de vous en prendre à plus faibles que vous", gronda-elle mentalement.

-Tss...Je me dégoute.

Elle tira un mouchoir en papier de sa poche et eroula ses blessures avec. Eya aimerais bien l'aider, mais elle savait que la jeune fille pourrait conscidérer ça comme étant de la pitié. De la pitié...Eya, depuis son séjour à l'asile psychiatrique, était totalement incapable de faire preuve d'empathie.
Elle regarda donc les blessures, encore, avec une pointe de regrets. Pauvre fille. Et elle qui se plaignait de son bras brulé...ce n'était certainement pas pire que de se retrouver dans un fauteuil roulant et avec des jambes brulées...brulées?
Elle dévisagea la june fille, imitée par elle. Son coeur se congela dans sa poitrine...

-Che...

-Mais tu... tu es... Grande soe...

Oui, c'était elle! Chesselya!!! Les mêmes cheveux platine, le même oeil or...pourquoi un seul oeil?

-S'cuse, j'ai des visions, fit Chesselya tristement, en secouant la tête.

-'Lya...Chesselya? , demanda timidement Eya en lui effleurenant gentillement le genou. C'est toi? C'est bien toi?, demanda-elle, la voix enrouée de larmes.

-'Lya...Chesselya?

Avait-elle bien entendu?! Cette fille venait de l'appeler par son véritable nom! Chess écarquilla l'oeil, de plus en plus étonnée. Hallucinait-elle? Etait-ce un nouveau cauchemar? Allait-elle se réveiller en hurlant comme d'habitude? Mais non, elle ne rêvait pas.

Etait-ce bien sa soeur? Mais alors, elles s'étaient retrouvées! Tout allait à nouveau être comme avant...
Non.
Rien ne serait jamais comme avant.
Elle était à demi aveugle, ses tendons d'achille avaient été sectionnés, la condamnant à être handicapée jusqu'à la fin de ses jours. Ses cicatrices et ses séquelles ne s'effaceraient jamais.

Et d'abord, rien ne lui prouvait que cette fille était bien sa soeur.
Non.
Ca suffit.
Ce n'était pas sa soeur.
Impossible.

Sa soeur était morte. Dans l'incendie. Elle le savait. Aucun survivant n'avait été retrouvé. Elle était morte. Morte! Et "Chesselya" était morte avec elle. C'était fini. Chesselya était pour elle une étrangère, au même titre que celle qui se trouvait devant elle.

Elle fit taire la petite voix qui insinuait le doute en elle, maîtrisa sa respiration, cadenassa ses émotions dans un coin de son coeur.

La chamade finit par se calmer, et elle éloigna la main de la fille, qui était posée sur son genou. D'une voix calme, mais légèrement temblotante malgré elle, Chess énonça, en la regardant dans les yeux:
-Je crois que tu te trompes de personne. Qui es-tu?

-Je crois que tu te trompes de personne. Qui es-tu?

A ces mots, Eya sentit son coeur se briser. Evidement. Elle s'était encore trompée. A cet instant, elle eut envie de se rouler en boule sur le sol pour pleurer de tout son saoûl, de hurler. Comment diable avait-elle pu...?

-Oh...je...je suis désolée...mais j'ai cru...j'ai cru...désolée...

Elle ravalla difficilement ses larmes. Rester digne, il lui fallait rester digne. Elle se redressa donc, prête à offrir son aide à la jeune fille mais retomba lourdement sur le sol, en tremblant comme une feuille. La déception lui sciait les muscles, lui pompait son énergie...elle avait mal. Comme le jour maudit ou on lui avait annoncé que son univers s'était brisé. Grâce à un formidable effort de volonté, elle parvint à se redresser sans trembler et proposa, d'une voix chagrine:

-Je...as-tu besoin d'aide pour...monter sur ton fauteuil?

Après ça, elle disparaîtrais. Tant pis pour ce que penserais les passants, qui la verraient laisser la jeune fille seule. Elle voulait juste rentrer...et pleurer.

-Oh...je...je suis désolée...mais j'ai cru...j'ai cru...désolée...

Ouille, elle n'avait pas espéré cette réaction là. Eh voilà, Chess avait réussi à faire pleurer quelqu'un! Quelle cruche... Cette fille l'avait peut-être prise pour celle qu'elle n'était plus, mais elle ne méritait pas de souffrir autant.

-Je...as-tu besoin d'aide pour...monter sur ton fauteuil?

Ce n'était pas le moment de lui poser cette question là!
Certes, elle avait besoin d'aide, elle le savait, mais elle ne pouvait pas rester de glace face au visage détruit de son interlocutrice. Celle-ci ressemblait beaucoup à sa grande soeur, et quand elle la regardait, Chess sentait une certaine nostalgie s'éveiller en elle.
-Tu... as perdu quelqu'un d'important... n'est-ce pas?

Elle sourit tristement:
-Alors, tu es comme moi. Celle qui a besoin d'aide en ce moment, ce n'est pas moi, c'est toi!

Dans un geste qui la surprit elle-même, elle prit la fille dans ses bras et fredonna une chanson qu'elle avait inventée il y a longtemps, et qu'elle chantait quand elle était triste:

Quand la jeune fille l'enlaça, Eya eut envie de protester, de la repousser. Mais, quand la chanson s'éleva, elle sentit sa volonté fondre comme neige au soleil.

Anata dakede wanai...
Watashi wa anata no kage ni iru yo,
Watashi wa anata to iku.
Anata wa jibun jishin ga hyōji sa renai
Shikashi watashi wa koko ni iru yo,
Sugu soko ni anata no mae ni...

Elle avait l'impression que cette mélopée l'obigeait à extéroriser toute sa peine, sa souffrance. Intérieurement, elle eut envie de ricaner: Eya, celle qui controlait le son dans le pensionnat, à la merci d'une chanson. Pitoyable...mais terriblement nécessaire.

-Je suis désolée , balbutia-elle dans ses larmes, ne cherchant même pas à savoir si c'était auprés de la jeune fille ou de sa soeur qu'elle s'excusait. Peut-être même les deux. Tellement désolée...

Une citation de Lamartine lui revint à l'esprit:

-Ici-bas, la douleur à la douleur s'enchaîne ; Le jour succède au jour, et la peine à la peine, cita-elle à voix basse, certaine que la jeune fille dans les bras de laquelle elle pleurait n'avait pas entendu.

Et puis, peut lui importait. Elle pleurait sa soeur, et c'était tout.

Chess faillit hurler tant elle détestait que les gens pleurent à ce point. Mais, la peine de la jeune fille la touchait, sans qu'elle sache réellement pourquoi.

-Je suis désolée. Tellement désolée...

Elle n'allait pas demander pourquoi elle s'excusait. Pour elle, ces paroles n'avaient aucun sens, mais pour la brune, elles en avaient sûrement.
Elle songea un instant qu'elles devaient avoir l'air complètement ridicules, comme ça, dans la rue. Deux demeurées. Oh, et puis, peu importe.

-Ici-bas, la douleur à la douleur s'enchaîne ; Le jour succède au jour, et la peine à la peine.

A peine murmurées, ces paroles, qu'elle entendit malgré tout, la mirent dans une colère noire.
Elle sentit la colère monter, monter, comme la lave bouillonante d'un volcan.
Elle essaya de se contenir, sachant que la colère ne menait à pas grand chose, mais, au bout de quelques minutes, elle craqua.
Elle prit la fille par les épaules, fermement, la fixant durement dans les yeux, et explosa:
-Ca suffit! Qu'est-ce que ça veut dire?! Je ne sais pas ce qu'il t'es arrivé par le passé, mais tu n'as pas le droit de penser ainsi!! Ce n'est pas en te noyant dans la peine que tu t'en sortiras!

Chess savait parfaitement ce qu'elle disait. Si, à l'époque, elle s'était laissée submerger par sa peine, elle se serait suicidée depuis bien longtemps. Elle transforma la phrase qu'avait prononcée son interlocutrice:
-"Ici-bas, la douleur au soulagement s'enchaîne; le jour succède à la nuit, et la joie à la peine." Penser de façon négative ne fera que te ronger, tant et si bien que tu pourrais ne plus sortir de ce piège, qui peut s'avérer mortel. Secoue-toi! Regarde droit devant toi, lève-toi, et marche!

Elle ajouta, dun ton plus doux:
-Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire. Surmonter sa peine est dur et pénible. Mais passer son temps à pleurer et à regretter, c'est ne pas progresser. Je ne connais pas de peine pire que celle qui résulte de la perte d'un être cher. Rester, alors que la personne aimée est partie, il n'y a pas plus grand châtiment. Mais, ce qui sauve, c'est de ne pas perdre espoir, de ne pas perdre son objectif de vue.

Elle ferma les yeux un instant, inspira profondément, et continua:
-Je sais que la personne chère à mon coeur est morte, je ne me fais plus d'illusions. Cette catastrophe m'a tout pris, mes jambes, mon oeil, ma soeur, ma vie et mon nom. En mémoire de celle que j'ai perdue, j'essaye d'aller de l'avant, de ne pas me laisser détruire par mon désespoir. Je ne l'oublie pas. Je veux juste cesser de me noyer dans mes larmes.

Chess sortit un mouchoir de sa poche et le lui tendit:
-Et toi? Ne crois-tu pas que tu devrais sortir de ton chagrin?

Aïe! Bon sang, elle aurait du fermer sa grande gueule. Qu'est-ce que pouvait comprendre cette inconnue. Mais, dés les premiers mots du sosie de Chesselya, son sang n'avait fait qu'un tour. Qu'est-ce que...

-Je sais que la personne chère à mon coeur est morte, je ne me fais plus d'illusions. Cette catastrophe m'a tout pris, mes jambes, mon oeil, ma soeur, ma vie et mon nom. En mémoire de celle que j'ai perdue, j'essaye d'aller de l'avant, de ne pas me laisser détruire par mon désespoir. Je ne l'oublie pas. Je veux juste cesser de me noyer dans mes larmes.

Elle avait tiré un mouchoir de sa poche et lui avait tendu. Peine perdue. Ses larmes s'étaient taries comme un faible court d'eau durant la canicule

-Et toi? Ne crois-tu pas que tu devrais sortir de ton chagrin?

Eya sentit la colére monter en elle. Son chagrin?! Ses yeux s'érécirent jusqu'a former deux minces fentes. Puis, brutalement, elle saisit la jeune handicapée et la remit sur son fauteuil, tentant de ne pas lui faire mal et de ne pas lui montrer ne serait-ce qu'un peu de commisération. Elle savait mieux que quiconque que les handicapés ne supportaient pas ne serais-ce qu'un peu de pitié. Mais elle était trop en colère.

-Sortir de mon chagrin , gronda-elle, sortir de mon chagrin...C'est facile à dire! Facile à dire! On vois bien que ce n'est pas toi qui est responsable! C'est de ma faute si elle a disparu! J'ai pas su la protéger, j'ai pas su rester avec elle!! Alors j'ai quand même le droit de la chercher, non?! Ma soeur était tout pour moi, il est normal que je tente tout, voire plus pour la retrouver!!! Mais toi! Toi! Résignée et tout, si jeune! Est-tu sure de ce que tu avance? Est-tu bien sure que celle que tu as perdue est bien dans l'au delà? Si oui, alors tu est comme les autre! Une autruche résignée! Mais jamais je ne tolérerais qu'une petite minette me dise ce que j'ai à faire! Ce serais bafouer sa mémoire!

Ce n'est qu'en croisant le regard effaré des passants qu'elle se rendit compte qu'elle avait hurlé et qu'elle enfonçait presque ses ongles dans le bras du sosie de Chesselya. Elle pâlit et relacha sa prise sur le bras de la jeune fille et recula. La toisa avec un brin d'insolence puis lui lança:

-Mais, après tout, c'est toi. Comme on dit "chacun sa merde"! En tout cas, bon courage Straus*. Et si je puis me permettre un conseil, plus que la parole des hommes, plus que les qu'en dira-on, écoute ton coeur! Lui ne te trompera jamais!

Puis elle fit un pas en arriére et décampa, pas très fiére d'elle en fin de compte. Oh, et puis merde à la fin. Elle pris appuis sur une poubelle-un fois qu'elle se fut assurée qu'elle n'était plus dans le champ de vision de la jeune fille- et bondit sur un balcon, se réfugiant sur le toit de la maison. Elle avait honte.

*Straus signifie autruche, en russe.

Chess laissa l'inconnue lui crier dessus. Ca ne lui faisait ni chaud ni froid. Chacun son opinion, après tout, hein. Et lui crier dessus n'avait jamais arrangé les choses, si elle espérait tirer quelque chose d'elle en haussant le ton, elle se trompait lourdement.

La jeune fille laissa la brune vider son sac. Elle l'écoutait même à peine, perdue dans ses pensées, dans un autre monde. Quand soudain, la fille en face d'elle, qui l'avait quasiment balancée sur son fauteuil et lui enfonçait ses ongles dans l'avant-bras, dit une chose qu'elle n'aurait jamais dû dire.

-Mais, après tout, c'est toi. Comme on dit "chacun sa merde"! En tout cas, bon courage Straus*. Et si je puis me permettre un conseil, plus que la parole des hommes, plus que les qu'en dira-on, écoute ton coeur! Lui ne te trompera jamais!

Non mais elle se prenait pour qui? A croire qu'elle voulait se prendre des claques!
L'argentée haussa un sourcil quand la fille partit, puis soupira, un léger sourire ironique aux lèvres. Ce genre de conseil ne l'atteignaient plus depuis bien longtemps. Son coeur, au contraire, l'avait par trop de fois trompée. Elle ne lui faisait plus confiance.

Elle continua sa route, décidant d'aller se calmer quelque part où personne ne viendrait lui casser les bonbons, ou lui donner des conseils à la gomme.

[suite du rp au cimetière, je commence^^]